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Des
ponts par dessus le Mur
Il était une fois un petit village du nom de Yanoun qui se trouve à 10
km aud sud-est de Naplouse. Yanoun constitue le plus petit village de la
Cisjordanie. « Yanoun is one of the smallest villages in the Occupied
Palestinian Territories.” Dixit Thomas Mondal dans son ouvrage “Living with the
settlers” (ouvrage très intéressant au passage).
Avec d’autres volontaires de Project Hope, Nouha et Samia pour ne pas
les citer, nous avons été invité à se rendre trois jours dans ce village de
Yanoun dans la Maison internationale gérée par EAPPI (Ecumenical Accompaniment
Programme in Palestine and Israel). Depuis 2002, EAPPI sous l’égide du World
Church Council assure une permanence 7jours sur 7, 24h sur 24h dans ce petit
village afin de surveiller l’attitude des colons. Car oui une spécificité de
Yanoun est que ce village est encerclé de colonies provoquant peu à peu
l’expulsion des villageois leur nombre
est passé de 380 à 80 en moins de 10 ans. Yanoun se situe près de la vallée du
Jourdain, endroit três stratégique donc à la frontière avec la Jordanie. Le
village de Yanoun constitue le dernier petit bout de territoire qui bloque
l’expansion de la colonie Itamar établie depuis 1982. Yanon se situe en zone C
Petit point importante sur les diferentes zones en Cisjordanie. Les accords d’Oslo II de 1995
divisent la Cisjordanie en trois zones: A, B et C.
·
Zone A sous autorité palestinienne en ce qui
concerne l’ensemble des affaires civils
(éducation, santé, administration etc) et de la sécurité. Cette zone renvoie
essentiellement aux grandes villes et représente 17,2% de la Cisjordanie.
·
Zone B où les affaires civils sont gérés par
l’autorité palestinienne tandis que la sécurité est sous contrôle militaire
israélien. Cette zone correspond essentiellement aux zones rurales. La zone B
represente 22,8% de la Cisjordanie.
·
Zone C est entièrement sous controle du
gouvernement israélien pour la sécurité mais aussi les affaires civiles y
compris la gestion des terres et des constructions. La zone C équivaut à 60% de
la Cisjordanie. Dans la zone C, le gouvernement israélien a accordé 70% de la
zone pour des colonies israélienne (illégales au regard du droit internation cf
Convention de Genève), pour des zones militaires et des réserves naturelles.
A noter que ces zones ne constituent en aucun cas des zones continues
mais les zones A et B représentent 227 espaces géographiques séparés qui sont
soit sous totale autorité palestinienne ou partiel contrôle de l’autorité
palestinienne. De plus, les zones A et B sont en general entoure par une zone
C. La zone C recouvre l’ensemble du territoire de la Cisjordanie La continuité
du territoire en Cisjordanie est donc un véritable leurre.
Cette parenthèse fondamentale étant faite, Yanoun se trouve donc en zone
C ce qui signifie que même les affaires civiles sont sous contrôle israélien.
Ainsi, dans ce petit village pour toute nouvelle construction, il faut
l’autorisation des autorités israéliennes. Or, celles-ci refusent de délivrer
tout permis de construction forçant ainsi les jeunes à fuir vers Aqraba une
fois marié par exemple ou lorsqu’ils souhaitent construire une Maison.
Par ailleurs, en 2002 la route
qui reliait de manière directe Yanoun à Naplouse en 15 minutes a été fermée par
l’armée. Désormais, les villageois doivent passer par Aqraba, la route 505, par
Zatara puis par la route 60 direction Naplouse trajet qui prends entre 35 et 40
minutes.
Yanoun est entoure de colonies comme souligné plus haut, et ce dans
toutes les directions Givat Olam Evri Ram à l’Ouest, Gid Onin au Nord, Hill 777
à l’Est, de nouvelles structures au Nord Est et un nouvel avant-poste a été
construit en mai 2012 près de la vallée du Jourdain au Sud-Est de Yanoun,
Ainsi, il n’y a qu’une seule route qui permet de sortir ou rentrer à Yanoun.
Depuis 1996, les habitants du villages font face à divers harcèlements de la
part des colons et 70% du territoire de Yanoun a déjà été pris par la colonie
Itamar.
Cette présentation de Yanoun étant faite, nous étions donc accueilli
pour passer trois jours dans la maison qui accueille les internationaux.
Maison internationale à Yanoun qui héberge les
volontaires de EAPPI qui assurent une
présence 7/7 24h/24 à Yanoun
A Yanoun, les moutons vivent comme dans une prison car ne sont pas autorisés à paître dans les montagnes. |
Par ailleurs, Yanoun possède des champs d’olivier à perte de vue.
L’olivier constitue le symbole de Palestine. Arbre cultivé depuis l’époque
néolithique et qui symbolise l’enracinement des palestiniens et le lien à leurs
terres, il y a près de 12 millions d’oliviers en Palestine. Ce symbole de
l’identité palestinienne est brûlé parfois par les colons de la colonie Itamar.
Après la présentation par le maire du village, autour d’un bon plat typiquement
palestinien nous décidons d’aller faire un tour et profiter du paysage de la
vallée du Jourdain. Le paysage est juste magnifique, et aucun mot ne qualifie l’émotion à la vue de la Palestine.(malgré le temps
pluvieux)
![]() |
Vue du désert jordanien depuis la Vallée du Jourdain |
Colonie Hill 777 |
Nous passons
devant la colonie Hill 777 et nous empruntons une route qui est interdite aux
palestiniens.
Après avoir profité du paysage époustouflant, nous décidons toutes les
trois de retourner au village. Sur la route, une voiture s’arrête et nous
interroge sur l’objet de notre visite et les deux conducteurs, des colons,
souhaitent voir notre « ID » et nous font savoir dans un anglais plus
qu’approximatif que si nous n’étions ne serait-ce qu’a moitié palestinienne ils
pouvaient nous arrêter, appuyant leur discours
en touchant l' arme qui se trouve près de la boîte de vitesse. (notre physique pas très « blanc » nous
aidait pas non plus ). Nous affirmons que nous sommes bel et bien
françaises et nous continuons notre route tout en prenant des photos de la
vallée du Jourdain. Quelques mètres plus loin, une voiture s’arrête brutalement
au milieu de la route et un homme descend de sa voiture armé, en fureur et criant en hébreu, puis voyant que nous ne comprenons rien se mit à crier
« passport, passport ». Effrayées nous essayons de savoir qui est cet homme qui continue à crier "passport" comme un poissonier. Après avoir contrôlé nos
passeports, l’homme toujours de manière violente se jette sur ma caméra qui
était dans mes mains mais éteinte. Il essaye d’arracher la caméra de mes mains,
la sangle étant attachée à ma main lui complique la tâche. Ainsi, il a été particulièrement
rude pour tenter de me l’arracher. Dieu
merci, nous n’avons rien eu ni blessée, juste quelques égratignures sur la main et un coup de coude que N. s'est pris en tentant de m'aider en vain. Vu le mal
fait et ayant vu que je saignais du doigts, le colon a commencé a s’inquiété
quand nous le menaçons d’appeler l’ambassade. Ce cher monsieur en possession de ma caméra, appelle les
soldats et refuse de nous laisser partir. En à peine trois minutes, deux jeeps
de militaires débarquent, 8 soldats israéliens pour trois malheureuses filles.
Nous avons été particulièrement été choqué de la manière dont le colon donnait
des ordres aux soldats. Le temps étant particulièrement pluvieux, les soldats
en présence d’un colonel nous emmènent dans leur base pour nous poser quelques
questions sur notre présence. Je vous épargne les détails de l’interrogatoire.
Le fait est que les soldats étaient particulièrement jeune à peine 21 ans,
parmi ceux-ci un français originaire de Lorraine. Pendant deux heures nous restons
dans la base. Les soldats sont particulièrement « friendly » avec
nous, nous proposant de la soupe, nous donnant leurs prénoms, leurs origines
(un de France, de Yémen, et d’autres contrées). Après deux heures d’attente, la
police arrive, une femme opère une fouille corporelle puis l’officier de police
nous autorise à repartir. Il est très tard, et les soldats se proposent pour
nous redéposer. A ce moment là, la seule chose que nous voulions c’était sortir
même si c’était pour marcher sous la pluie pendant une heure. Nous acceptons néanmoins leur
proposition (pas trop le choix en même temps). Cette expérience a été
profondément choquante mais nous a donné un aperçu inside de ce que peuvent
subir en version soft les palestiniens de la part des colons d’Itamar.
Hormis
cet incident, le séjour à Yanoun a été enrichissant à tout point de vue.
Lorsque nous étions dans le village, simplement en toquant à une porte pour
demander un renseignement et nous voilà parti pour minimum deux heures de
discussions, et du thé, du café et autres mets gourmands. Je pourrais écrire des pages sur les trois jours passés dans ce village,
mais l’humilité des villageois, leur patience dans ces épreuves et surtout leur
attachement à leur terre, sont les
principales choses que je retiendrais. Une véritable leçon de vie à tout point
de vue.
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