jeudi 24 janvier 2013

Jour 16-17-18 Lundi 7 janvier- 8 janvier- 9 janvier Séjour à Yanoun

--> Des ponts par dessus le Mur
 
Il était une fois un petit village du nom de Yanoun qui se trouve à 10 km aud sud-est de Naplouse. Yanoun constitue le plus petit village de la Cisjordanie. « Yanoun is one of the smallest villages in the Occupied Palestinian Territories.” Dixit Thomas Mondal dans son ouvrage “Living with the settlers” (ouvrage très intéressant au passage).

Avec d’autres volontaires de Project Hope, Nouha et Samia pour ne pas les citer, nous avons été invité à se rendre trois jours dans ce village de Yanoun dans la Maison internationale gérée par EAPPI (Ecumenical Accompaniment Programme in Palestine and Israel). Depuis 2002, EAPPI sous l’égide du World Church Council assure une permanence 7jours sur 7, 24h sur 24h dans ce petit village afin de surveiller l’attitude des colons. Car oui une spécificité de Yanoun est que ce village est encerclé de colonies provoquant peu à peu l’expulsion des  villageois leur nombre est passé de 380 à 80 en moins de 10 ans. Yanoun se situe près de la vallée du Jourdain, endroit três stratégique donc à la frontière avec la Jordanie. Le village de Yanoun constitue le dernier petit bout de territoire qui bloque l’expansion de la colonie Itamar établie depuis 1982. Yanon se situe en zone C
Petit point importante sur les diferentes zones  en Cisjordanie. Les accords d’Oslo II de 1995 divisent la Cisjordanie en trois zones: A, B et C.
·      Zone A sous autorité palestinienne en ce qui concerne l’ensemble des affaires  civils (éducation, santé, administration etc) et de la sécurité. Cette zone renvoie essentiellement aux grandes villes et représente 17,2% de la Cisjordanie.
·      Zone B où les affaires civils sont gérés par l’autorité palestinienne tandis que la sécurité est sous contrôle militaire israélien. Cette zone correspond essentiellement aux zones rurales. La zone B represente 22,8% de la Cisjordanie.
·      Zone C est entièrement sous controle du gouvernement israélien pour la sécurité mais aussi les affaires civiles y compris la gestion des terres et des constructions. La zone C équivaut à 60% de la Cisjordanie. Dans la zone C, le gouvernement israélien a accordé 70% de la zone pour des colonies israélienne (illégales au regard du droit internation cf Convention de Genève), pour des zones militaires et des réserves naturelles.

A noter que ces zones ne constituent en aucun cas des zones continues mais les zones A et B représentent 227 espaces géographiques séparés qui sont soit sous totale autorité palestinienne ou partiel contrôle de l’autorité palestinienne. De plus, les zones A et B sont en general entoure par une zone C. La zone C recouvre l’ensemble du territoire de la Cisjordanie La continuité du territoire en Cisjordanie est donc un véritable leurre.

Cette parenthèse fondamentale étant faite, Yanoun se trouve donc en zone C ce qui signifie que même les affaires civiles sont sous contrôle israélien. Ainsi, dans ce petit village pour toute nouvelle construction, il faut l’autorisation des autorités israéliennes. Or, celles-ci refusent de délivrer tout permis de construction forçant ainsi les jeunes à fuir vers Aqraba une fois marié par exemple ou lorsqu’ils souhaitent construire une Maison. 
Par ailleurs,  en 2002 la route qui reliait de manière directe Yanoun à Naplouse en 15 minutes a été fermée par l’armée. Désormais, les villageois doivent passer par Aqraba, la route 505, par Zatara puis par la route 60 direction Naplouse trajet qui prends entre 35 et 40 minutes.

Yanoun est entoure de colonies comme souligné plus haut, et ce dans toutes les directions Givat Olam Evri Ram à l’Ouest, Gid Onin au Nord, Hill 777 à l’Est, de nouvelles structures au Nord Est et un nouvel avant-poste a été construit en mai 2012 près de la vallée du Jourdain au Sud-Est de Yanoun, Ainsi, il n’y a qu’une seule route qui permet de sortir ou rentrer à Yanoun. Depuis 1996, les habitants du villages font face à divers harcèlements de la part des colons et 70% du territoire de Yanoun a déjà été pris par la colonie Itamar. 

Cette présentation de Yanoun étant faite, nous étions donc accueilli pour passer trois jours dans la maison qui accueille les internationaux. 

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Maison internationale à Yanoun qui héberge les volontaires de EAPPI  qui assurent une présence 7/7 24h/24 à Yanoun


-->A peine arrivées que nous rencontrons le maire du village Rasheed qui nous informe sur la situation du village et les différents types harcèlements subis par les villageois. Parmi ceux-ci, harcèlement moral des colons qui entrent dans le village  avec des chiens qui se baignent dans la source d’eau la rendant de facto non potable, les moutons des villageois ont également des restrictions de mouvement puisque les moutons n’ont le droit de paître que dans une zone délimitée et n'ont pas le droit d'aller dans les montagnes. 

A Yanoun, les moutons vivent comme dans une prison car ne sont pas autorisés à paître dans les montagnes.

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Par ailleurs, Yanoun possède des champs d’olivier à perte de vue. L’olivier constitue le symbole de Palestine. Arbre cultivé depuis l’époque néolithique et qui symbolise l’enracinement des palestiniens et le lien à leurs terres, il y a près de 12 millions d’oliviers en Palestine. Ce symbole de l’identité palestinienne est brûlé parfois par les colons de la colonie Itamar. Après la présentation par le maire du village, autour d’un bon plat typiquement palestinien nous décidons d’aller faire un tour et profiter du paysage de la vallée du Jourdain. Le paysage est juste magnifique, et aucun mot ne qualifie l’émotion  à la vue de la Palestine.(malgré le temps pluvieux) 

Vue du désert jordanien depuis la Vallée du Jourdain

 
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Colonie Hill 777
Nous passons devant la colonie Hill 777 et nous empruntons une route qui est interdite aux palestiniens.










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Après avoir profité du paysage époustouflant, nous décidons toutes les trois de retourner au village. Sur la route, une voiture s’arrête et nous interroge sur l’objet de notre visite et les deux conducteurs, des colons, souhaitent voir notre « ID » et nous font savoir dans un anglais plus qu’approximatif que si nous n’étions ne serait-ce qu’a moitié palestinienne ils pouvaient nous arrêter, appuyant leur discours  en touchant l' arme qui se trouve près de la boîte de vitesse. (notre physique pas très « blanc » nous aidait pas non plus ). Nous affirmons que nous sommes bel et bien françaises et nous continuons notre route tout en prenant des photos de la vallée du Jourdain. Quelques mètres plus loin, une voiture s’arrête brutalement au milieu de la route et un homme descend de sa voiture armé, en fureur et  criant en hébreu, puis voyant que nous  ne comprenons rien se mit à crier « passport, passport ». Effrayées nous essayons de savoir qui est cet homme qui continue à crier "passport" comme un poissonier. Après avoir contrôlé nos passeports, l’homme toujours de manière violente se jette sur ma caméra qui était dans mes mains mais éteinte. Il essaye d’arracher la caméra de mes mains, la sangle étant attachée à ma main lui complique la tâche. Ainsi, il a été particulièrement rude pour tenter de me l’arracher.  Dieu merci, nous n’avons rien eu ni blessée, juste quelques égratignures sur la main et un coup de coude que N. s'est pris en tentant de m'aider en vain. Vu le mal fait et ayant vu que je saignais du doigts, le colon a commencé a s’inquiété quand nous le menaçons d’appeler l’ambassade. Ce cher monsieur en possession de ma caméra, appelle les soldats et refuse de nous laisser partir. En à peine trois minutes, deux jeeps de militaires débarquent, 8 soldats israéliens pour trois malheureuses filles. Nous avons été particulièrement été choqué de la manière dont le colon donnait des ordres aux soldats. Le temps étant particulièrement pluvieux, les soldats en présence d’un colonel nous emmènent dans leur base pour nous poser quelques questions sur notre présence. Je vous épargne les détails de l’interrogatoire. Le fait est que les soldats étaient particulièrement jeune à peine 21 ans, parmi ceux-ci un français originaire de Lorraine. Pendant deux heures nous restons dans la base. Les soldats sont particulièrement « friendly » avec nous, nous proposant de la soupe, nous donnant leurs prénoms, leurs origines (un de France, de Yémen, et d’autres contrées). Après deux heures d’attente, la police arrive, une femme opère une fouille corporelle puis l’officier de police nous autorise à repartir. Il est très tard, et les soldats se proposent pour nous redéposer. A ce moment là, la seule chose que nous voulions c’était sortir même si c’était pour marcher sous la pluie pendant une  heure. Nous acceptons néanmoins leur proposition (pas trop le choix en même temps). Cette expérience a été profondément choquante mais nous a donné un aperçu inside de ce que peuvent subir en version soft les palestiniens de la part des colons d’Itamar.

 Hormis cet incident, le séjour à Yanoun a été enrichissant à tout point de vue. Lorsque nous étions dans le village, simplement en toquant à une porte pour demander un renseignement et nous voilà parti pour minimum deux heures de discussions, et du thé, du café et autres mets gourmands. Je pourrais écrire des pages sur les trois jours passés dans ce village, mais l’humilité des villageois, leur patience dans ces épreuves et surtout leur attachement à leur  terre, sont les principales choses que je retiendrais. Une véritable leçon de vie à tout point de vue. 




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